Méditations diune & rencontre imprévue ~ [Rose&Rodolphus]

Vêtu d'un pantalon noir associé à un pull aux discrets tons vert et argent, Rodolphus errait dans le couloir du deuxième étage ; seul. Il n’avait aucune envie d’étudier à cette heure-ci, unique moment de calme de la journée. Alors, en sortant de son cours de sortilèges, il avait foncé dans sa salle commune pour y déposer ses affaires scolaires, et il partit arpenter les couloirs du château, marginal. Sa solitude était choisie, non pas subie : il aimait se retrouver seul avec ses pensées. Ceci le rassérénait, il pouvait profiter du calme qu’abritait le château. Ici, il n’entendait plus la cohue estudiantine. Non, il n’entendait que l’air qui circulait dans les couloirs et l’écho de ses pas contre les murs de pierre humides.

C’était sa dernière année à Poudlard. Ses ASPIC approchaient rapidement, mais il ne les craignait pas. Au contraire, il aimait les examens. L’idée d’un défi intellectuel imposé à tous lui plaisait bien. Il se savait érudit, et il n’hésitait pas à le faire savoir à tous. Oui, il était orgueilleux, et il prenait ceci pour une qualité propre à lui-même. A quoi bon se morfondre lorsqu’on était noble ! Il tourna à l’angle d’un couloir.

A sa grande surprise, il vit une élève au loin. La couleur flamboyante de ses cheveux lui sauta aux yeux avant la couleur bleuté de son blason. Les mains dans les poches, il continua de marcher. C’était la première fois qu’il croisait quelqu’un pendant ses promenades solitaires. D’habitude, les autres élèves étaient dans le parc, à discuter, à papillonner et à rire de rien. Mais pas elle, apparemment. Il était presque arrivé à sa hauteur. Il ne souffla pas un mot, se contentant de la détailler sans expression aucune.

Un sourire ne tarda pas à illuminer le visage de la Serdaigle. Un sourire naturel, spontané, tout bonnement évident. Il ne répondit pas à ce sourire ; il n’avait pas l’habitude d’être affable avec des inconnus. Arrivée à la hauteur du jeune homme, elle s’arrêta net, toujours souriante. Elle l’observa, puis passa une main dans ses cheveux avant de lancer :

- Salut !

Cette fois-ci, un sourire amusé étira les lèvres de Rodolphus. Cette petite semblait être la spontanéité en personne. Une aura de joie de vivre se dégageait d’elle ; elle égayait presque le morne couloir de sa présence. Egalement arrêté, il fit un effort pour rechercher le nom de la demoiselle dans les méandres de sa mémoire. Le souvenir d’une fille appelant la jeune rousse « Rosyyyy ! » émergea, et il se souvint : Rose Willis. Petite boule d’énergie, détonation serdaiglienne.

- Bonjour, miss Willis. Ça m’étonne presque de te voir seule, et… calme.

Il eut un rapide rictus. En effet, à chaque fois qu’il avait croisé la jeune fille, elle était accompagnée, distraction humaine de sa bande d’amis. Il s’était adressé à elle avec une sorte de familiarité. La demoiselle ne lui donnait pas envie de prendre un ton froid et hautain, ce qui était relativement rare.

L’air faussement coupable, elle répondit :

- Oups, grillée. Je peux te faire confiance là-dessus pour que tu n'en parles pas ?

Comprenant que la jeune fille n’avait pas fini de parler, il garda le silence et observa les expressions presque théâtrales qui ponctuaient les traits de la demoiselle. Comme prévu, elle reprit :

- Ca ruinerait ma réputation !

Tandis qu’elle s’appuyait contre le mur, Rodolphus pesa le pour et le contre. Rentrer dans son jeu de pleine ironie ou passer son chemin ? Il n’avait pas l’habitude de palabrer avec ses camarades. Non, il ne s’était jamais promené dans l’optique de faire de « nouvelles rencontres », comme disent les autres. Ses quelques amis lui suffisaient ; il ne cherchait pas à remplir son carnet de contacts. Avec sa noblesse sanguine, il n’avait pas besoin de cela. Mais, cette après-midi, il se sentait d’une humeur plus légère que d’habitude. Le beau temps, peut-être. Alors échanger quelques mots avec une étudiante ne pouvait pas lui faire de mal.

- Il est dangereux de me demander de garder le silence sur un phénomène aussi… surprenant. Je risque fortement de répandre ceci pour que l’école en fasse des gorgées chaudes…

Il décocha un petit rictus flegmatique. Il avait donc opté pour l’option « entrer dans son jeu ». Il jeta un coup d’œil dans le couloir, pensif, puis ajouta :

- Et en plus tu me donnes l’opportunité de faire du chantage… C’est mauvais pour ta réputation et toi, je te l’assure.

Il prit un rapide air désolé, et observa attentivement la réaction de la jeune fille.

Un sourire espiègle étira les lèvres de la jeune fille.

- Ah, zut, alors ! Et je suis censée faire comment, là ?

Elle balaya les alentours d’un regard inexpressif, bien que le Serpentard savait pertinemment qu’il était dans son champ de vision. Une longue réflexion ne lui fut pas utile, et il répondit presque aussitôt :

- Tu as deux options…

Il fit une petite pause, et reprit :

- Tu peux te sauver en courant, et mentir à tout le monde, tout en sachant que ma parole aura un plus fort impact que la tienne…

Il laissa sa phrase en suspens, toisant sa camarade, toujours aussi flegmatique.

- Ou bien tu me supplies de faire un chantage perfide et déloyal pour que ton écart de comportement reste un secret des plus impénétrables.

Le ton dégagé qu’il avait utilisé avait quelque chose d’ironique, quoi que presque réaliste. Il poussait le jeu de Rose plutôt loin, et il se demandait si elle le suivrait sur cette pente.