Gryffondor et Serpentard, une grande histoire... de haine.

Rodolphus avait choisi de rester avec une bande de Serpentard après le cours de botanique. N’ayant pas cours l’heure suivante, ils décidèrent d’aller faire un tour dans le parc, pour profiter du beau temps qui peignait le ciel. Bien qu’il n’eût jamais aimé le soleil, le jeune homme était satisfait de la température ambiante. La chaleur contrastait avec la fraicheur issue du château, donnant presque une impression d’été. Effectivement, le microclimat de l’Angleterre ne permettait pas souvent une telle clarté.

- Regardez par là… fit Augustus Rockwood d’un ton mauvais.

Tous tournèrent la tête vers les quatre Gryffondor qui papillonnaient sous un arbre. L’un d’entre eux lisait, un autre esquissait des sourires à droite et à gauche, persuadé de posséder un charisme hors du commun, un petit gros s’extasiait devant un autre qui jouait avec un vif d’or, un sourire goguenard accroché aux lèvres.

- Ils sont de plus en plus pitoyables, les Bouffondors…

Les Serpentard rirent, tandis que Rodolphus sourit, ironique. Augustus se dirigea vers les Rouge et Or, sous le regard de ses comparses. Le type qui jouait avec le vif d’Or cessa son petit manège et lâcha en ricanant :

- Tiens tiens, des Serpentards... que nous vaut cette visite ?

Rodolphus, qui ne voulait manquer la confrontation pour rien au monde, rejoint Augustus tranquillement, toisant avec austérité ses subalternes. Celui qui avait parlé se nommait Potter, si ses souvenirs étaient bons. Un crétin vantard et fier de sa coupe de cheveux inexistante.

- Pour une fois que nous vous honorons de notre présence, tu devrais songer à te coiffer, Potter, fit Rodolphus d’un ton calme.

Il jeta un coup d’œil rapide aux autres Gryffondor qui, à présent, les regardaient.

Potter se releva, abordant toujours son sourire niais.

- Si je m'étais coiffé pour toi, j'aurais eu l'air trop soigné seulement pour un Serpentard. Ca se mérite. Quand à toi tu devrais penser à bronzer un peu, on te confondrait presque avec un fantôme.

Rodolphus afficha une mine consternée. On lui avait bien souvent dit que les répliques de James Potter ne dépassaient jamais -36 de Q.I. Au début, il n’y avait pas cru : les Gryffondor avaient un minimum d’intelligence ! Mais, à cet instant précis, il était contraint d’admettre que son interlocuteur n’avait pas une répartie hors du commun. Bon. Il s’apprêta à répliquer quand Augustus fit :

- Un Gryffondor qui ne ressemble plus à un mendiant… Tu parles d’un mérite.

Rodolphus eut un rapide sourire. Il regarda Black, qui ne savait pas s’il devait prendre partie à la conversation ou continuer ses petites mimiques adressées à des groupies féminines ahuries. Dire qu’il était le frère de Regulus… ils n’avaient pas les mêmes valeurs, malgré leur lien de parenté. Revenant à Potter, il repensa à sa pertinente remarque sur le teint pâle du jeune homme. Lui répondre, ou ne pas prendre la peine d’user sa salive pour ceci ? Allez, soyons charitable… Il reprit les mots du Gryffon et fit :

- Quand à toi, tu devrais apprendre à te taire… il est difficile de te confondre avec une personne intelligente.

Il prit un air désolé, ironique.

Rodolphus regarda la scène d'un air paisible, tandis qu'Augustus grognait de rire. Potter avait voulu provoquer Bellatrix Black ; il en payait les frais. Cette demoiselle était une Serpentard à l'extrême, aussi cruelle que perfide, aussi maligne que spontanée. Il avait semé le vent et récolté la tempête en une poignée de seconde. Le Gryffondor chutait encore plus - était-il possible d'être plus bas que terre ? - dans l'estime du Serpentard. James Potter, sans aucun doute saisi d'une douleur atroce, partit vers le château après avoir lancé une menace pleine d'amertume, la démarche précaire.

- Bien joué, Bellatrix, lança Augustus, toujours en riant.

Ce dernier tourna les talons et revint vers le groupe de Serpentard. Rodolphus jeta un coup d’œil mauvais vers Black, Lupin et Pettigrow puis fit quelques pas vers ses camarades. A mi-chemin, les mains dans les poches, il se retourna et déclara à Bellatrix :

- Belle preuve de haine…

Il esquissa un sourire en coin, puis reprit son chemin vers ses comparses.

Il s'apprêtait à partir quand il entendit, dans son dos :

- Quand on a plus rien de vraiment sensé, qu'on est à deux doigts de la folie, et qu'on ne sait plus ce que c'est d'être heureux. Il ne reste plus que la haine envers ceux qui ont la chance de connaitre le bonheur et la liberté. Mais tu dois surement savoir de quoi je parle.

Il s'arrêta de marcher, interdit. Pourquoi avait-elle dit ça ?! Si tel était son ressenti, pourquoi le mettre dans le même chaudron qu'elle ? Rodolphus ne se disait pas heureux, mais il n'était pas malheureux pour autant. La liberté ne manquait pas, bien que faire partie de la dynastie Lestrange avait quelque chose de restreint. La folie ne l'effleurait pas vraiment non plus. Il avait peut-être un soupçon de bizarrerie, ou quelques détails étranges... mais il restait sensé et terre à terre. Lentement, il se retourna vers la jeune fille qui semblait elle-même surprise de ses paroles. Il la toisa pendant un court instant. Elle avait été sincère, mais le mystère planait tout de même sur ses mots.

- Pourquoi diffuser la haine lorsqu'on peut se lancer à la recherche de la liberté et du bonheur ? Ce n'est pas une chance de connaitre ceci ; il faut juste la persévérance nécessaire pour y accéder.

Il fit une petite pause, et pesa enfin ses mots. Il était mal avisé de donner des conseils, mais sa camarade Serpentard n'en savait rien.

- Je suppose que tu vois ce que je veux dire, ajouta-t-il, comme pour faire refléter l'apostrophe de Bellatrix Black.

Elle se contenta de rire.

- Rodolphus, tu le sais aussi bien que moi. A quoi bon essayer. Quand on sortira d'ici, on fera quoi ? On deviendra des robots à la solde d'un mégalo en puissance. Et le pire c'est qu'on aimera ça. Qu'on le veuille ou non, on est né pour ça. Tout notre vie a été programmé. On se mariera avec quelqu'un que l'on nous aura imposé et on aura un héritier. Puis on mourra tué par des Aurors ou des Détraqueurs. Pourquoi j'essayerai d'être heureuse alors que je sais très bien que c'est voué à l'échec ?

Il eut un rapide sourire. La famille Black était surement celle qui ressemblait le plus à la famille Lestrange. Cet avenir, Rodolphus le connaissait bien. Son frère le connaissait aussi. Ses parents, oncles et tantes, également. C'était ainsi, immuable et inévitable. La Serpentard avait raison, sur ce point-là. Ce n'est pas que Rodolphus avait hâte de finir Mangemort, mais pourquoi pas, se disait-il. C'est une vie qui inspire au pouvoir et à la puissance. Emprisonnement. Sans liberté. C'était le plus pesant.

- Pourquoi baisser d'ores et déjà les bras ? Tu peux toujours te battre pour savoir les dernières années que tu vis, sans soumission à ton avenir. Si tu te résignes maintenant à cette vie, ce n'est pourtant pas plus mal. Car, comme tu l'as dit, nous aimerons cela. Mais en attendant, tu peux toujours essayer de goûter à ce qui ne sera pas à ta porter dans quelques années.

Il la regarda attentivement.

- Pour avoir plus mal après ? J'ai ai marre moi d'avoir mal. Mais le problème c'est que du moment que tu gouté au bonheur tu peux plus t'en passer. Après je ferai quoi ? Je me rebellerai ? Désolé, je suis pas Gryffondor - Encore heureux- Je ne suis pas courageuse. Après quand je devrai vraiment rentré dans le rang je me rendrai compte de ce que j'ai perdu, et ça je ne veux. Et puis, à vrai dire, je ne sais pas comment on fait pour être heureux. Je ne préfère pas essayer je ne veux pas addictif.

Il acquiesça légèrement. Il était vrai que se détacher d’une sensation plaisante était désagréable. Mais pas au point de refuser d’y gouter par peur de souffrir. Qui ne tente rien n’a rien. Et la souffrance n’était pas insoutenable, quand on avait la force mentale nécessaire pour la supporter.

- Tu t’entêtes donc à rester dans l’ignorance, de ne jamais connaitre ceci ? Ce n’est pas du courage qu’il te faut ; mais plutôt de la détermination. Et tu en as. Je pense que tu serais assez forte pour supporter la douleur qu’est de perdre le bonheur. Tu pourras toujours te dire que, même si tu n’es plus heureuse, tu l’as déjà été. Et c’est une belle victoire.

Elle parut alors surprise. Les propos du jeune homme avaient donc eu de l’effet, ce qui le satisfaisait.

-Alors aide moi à être heureuse, car je sais très bien que toute seul je n'y arriverai pas. Je ne sais pas comment faire.

Il esquissa un petit sourire en coin. L’aider à être heureuse ? Il se savait incapable de faire ce genre de bien. Oh, il pouvait aider à porter quelque chose, ou parfois réconforter – dans des cas extrêmes. Mais aider à rendre heureux quelqu’un… c’était ardu, indubitablement. Il ne se jugeait pas lui-même heureux, alors bon…

- Si je pouvais t’aider, Bellatrix, je le ferais. Je pense avoir la volonté et la capacité d’aider quelqu’un. Mais réussir à te rendre heureuse… c’est une tâche compliquée.

Il marqua une petite pause.

- Pourtant, je serais mal avisé de refuser de t’aider après avoir réussi à te convaincre que le bonheur n’était pas inaccessible… J’essayerai, Bellatrix.

Les traits de la jeune fille se détendirent.

-Merci, mais j'aimerais savoir Pourquoi tu veux tant que je crois au bonheur ? Pour veux-tu tellement que je sois heureuse ? On ne se connait pas, on est pas ami. Je ne comprends pas, et je déteste ne pas comprendre.

Un rictus glissa sur les lèvres de Rodolphus. C'était une question qui avait lieu d'être. Oui, après tout, pourquoi un type aussi indifférent et effacé que Rodolphus voulait qu'une personne aussi dédaigneuse et insaisissable que Bellatrix goûte au bonheur ? Tout simplement parce qu'il savait que leurs destins seraient similaires. Tragiques, sans doute. Cruels, sans en douter. Leurs parents étaient des sbires du Seigneur des Ténèbres, et eux deux étaient façonnés pour devenir des machines à tuer, barbares et sans cœur. C'était inexorable ; profondément inéluctable. Les choses ne pouvaient être changées, et Rodolphus s’était résigné à accepter cela. Après tout, cette vie lui plairait.

- C’est vrai, nous ne sommes pas amis. On se connait à peine mais nous serons coude à coude dans une vie future. Et je sais que si, dès maintenant, tu ne crois plus au bonheur, tu seras…intenable plus tard.

Il accompagna son ironique hyperbolique d’un léger sourire.

- Nos destins sont liés, et tu le sais. Nos avenirs sont taillés dans la même dentelle. Et quitte à les suivre, autant avoir profité du semblant de liberté qu’il nous reste en ce moment.